Mort à Venise
Sur la rive de l’Acheron, se tiennent provisoirement les âmes qui doivent rejoindre l’autre rive, attendant que Caron, le premier gardien de l’Enfer, les pousse dans sa barque et les fasse traverser. (la Divine Comédie – l’Enfer)
Mort à Venise de Benjamin Britten
Une production d’Opéra Côté Chœur à Verrières – Buisson
Le 7 novembre 2010
Mort à Venise n’est pas seulement un des romans les plus importants du 20ème siècle mais en même temps une œuvre « autobiographique » de Thomas Mann, conçue pendant un séjour de Thomas Mann en 1911 à Venise. 1911 est aussi l’année de la mort d’un compositeur admiré par Mann: Gustav Mahler. Entre le voyage à Venise et la publication de la nouvelle il n’y s’écoule que quelques mois.
60 ans plus tard, Britten, déjà gravement malade d’une insuffisance cardiaque, se rend lui aussi à Venise dans le but de trouver une inspiration pour mettre en opéra « Mort à Venise ». Ce sera sa dernière grande œuvre et son chant du cygne. Benjamin Britten naît en 1913 et meurt en 1976. 1971 c’est aussi l’année du film de Lucino Visconti basé sur le même roman de Thomas Mann.
Douze tableaux expressionnistes de la marche vers la mort !
Au mois de mai 1911 – l’écrivain solitaire et intellectuel Gustav von Aschenbach, approchant la cinquantaine, fait une promenade dans le jardin anglais de Munich. A côté du « Nordfriedhof » (cimetière du Nord) il croise un homme étrange en habit de randonneur. Cet homme le regarde avec une telle intensité qu’il inspire chez Aschenbach, une personne ambitieuse qui travaille dur pour la gloire avec une discipline presque prussienne, une attirance pour le Sud et un fort désir de voyager. Aschenbach décide de partir. Le randonneur, à qui Britten, dans son œuvre, a donné la tessiture de baryton, refait apparition plus tard successivement comme gondolier, coiffeur, gérant de l’hôtel, chef de comédiens et à la fin Dionysos. Ce messager de la mort accompagnera Aschenbach jusqu’à son destin.
Aschenbach, chanté par le ténor Patrick Bladek, quitte donc Munich pour aller à Trieste, mais décide finalement de prendre le bateau pour se rendre à Venise. Ni Britten ni Visconti ne traitent de ce voyage mais Thomas Mann y présage déjà le drame, la maladie, le destin. Avec l’apparition du faux gondolier « Charon » qui le conduit contre son gré à son Hadès, le Lido, il est confronté une deuxième fois à la mort.
Il arrive tout de même de bonne humeur à l’hôtel. La vue du jeune et beau Tadzio le bouleverse. Tadzio ne s’exprime qu’à travers la danse. Tout au long de l’opéra il ne parle ni chante. Aschenbach peu à peu perd sa force apollonienne et ne pense qu’à Tadzio.
Mais il décide quand même de quitter la ville à cause du climat, malsain et insupportable. Une erreur du portier qui envoie ses bagages ailleurs fait échouer –fatalité- son retour à Munich.
Dans le premier acte Bernard Jourdain habille Aschenbach en noir, et par contre en clair dans le deuxième.
Aschenbach reste donc à Venise malgré lui. Plus tard, sur la plage, Apollon, le contre-ténor Thierry Jaby, fait sa première apparition comme maître nageur. Aschenbach achète un fruit à une marchande déjà malade du choléra et le mange sans le laver. Tadzio joue avec ses amis et gagne un triathlon – très belle scène ! Une épidémie – le choléra – commence à s’étendre – mais personne n’en parle.
Aschenbach se perd toujours davantage dans cette tragédie de l’avilissement. Chez le coiffeur – fantastique, le baryton Frédéric Bang-Rouhet! – il se laisse faire et devient « jeune » pour Tadzio. La promenade dans une Venise déjà moribonde est réalisée très expressivement. Jourdain joue à la fois avec le Carnaval de Venise et les têtes de mort. Aschenbach apprend finalement qu’il y a le choléra à Venise et prend peur. Il décide de mettre en garde la mère de Tadzio, mais finalement il n’ose pas l’approcher.
Le rêve d’Aschenbach : La confrontation entre Dionysos l’ivresse et Apollon la sagesse se termine au détriment de ce dernier. Dionysos gagne la bataille et prend possession d’Aschenbach.
Aschenbach meurt sur la plage en regardant Tadzio après un autre passage chez le coiffeur dans sa tentative de rester jeune et beau dans la mémoire de Tadzio.
Il reste à dire que la mise en scène claire et, pourrait-on dire, didactique, a permis de suivre l’œuvre entière, malgré une diction défaillante du ténor qui rendait la compréhension du texte anglais difficile à l’anglophone que je suis.
Ce fut une très belle représentation, et la Philharmonie de Poche de Paris fut tout à fait à la hauteur.
le baryton Frédéric Bang-Rouhet fit grandement honneur à ses multiples rôles.
Le contre-ténor Thierry Jaby fut crédible et talentueux.
La famille Huchet s’est distinguée et mérite bien d’être mentionnée dans cette liste
Cette réussite donne envie d’assister à la prochaine production.
Il y a encore une représentation au CDBM ( Centre des Bords de Marne) au Perreux sur Marne le 6 janvier 2011 à 20h 30, réservations : billetterie.occ@gmail.com
Christa Blenk