Madame Curie de Elzbieta Sikora
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Teatro Maritimo Villa Adriana -
L’année de la chimie et le théâtre grec.
La première mondiale de l’opéra „Madame Curie” d’Elżbieta Sikora le 15 novembre 2011 au siège de l’UNESCO à Paris à l’occasion de l’Année internationale de la chimie.
La tragédie était l’acmé de la poésie grecque. Tous les rôles étaient chantés et accompagnés par un chœur/orchestre (il y avait même des femmes compositeurs – comme l’a mentionné Mme Sikora dans le programme). C’est à l’ère d’Aristote que les fêtes consacrées au dieu Dionysos évoluent vers la tragédie. Plus tard, à l’époque d’Eschyle un deuxième acteur a été ajouté et encore un troisième à l’époque de Sophocle : ce qui a élevé le drame à un autre niveau, le théâtre d’aujourd’hui.
Ce dernier opéra de Elzbieta Sikora „Madame Curie” est basé sur la vie de Marie Curie – exceptionnelle scientifique – décorée deux fois du prix Nobel - intelligente, indépendante et courageuse. Un personnage dramatique, sensible et joyeux à la fois – toujours entre la tentation du succès et les obligations vers sa famille, ses enfants.
Le destin, le désespoir, l’angoisse, le hasard, la prémonition, l’ambition, l’espérance, l’optimisme, l’épidémie, la mort, le culte religieux, la jalousie, la vengeance, la tentation, l’adultère : tous les ingrédients d’une tragédie grecque. Sophocle ou Euripide sont fortement présents sur scène. Dans le théâtre grec toute la troupe porte un masque, en général assez réaliste.
Marek Weiss reprend cette tradition et installe le chœur des deux côtés de la scène, en uniforme, masqué (on pouvait penser à un décor de poupées). Le chœur figure l’opinion publique, qui intervient dans l’histoire, qui critique ses actions, qui félicite et qui juge.
30 tableaux étapes vers le futur.
- Questionnement d’Einstein « A quoi bon tout cela ? le pressentiment
- Réponse de Marie « Laisse ! Il le faut ». – le fatalité
- Marie au travail – le bonheur- .
- Marie au quotidien (joyeuse, enthousiaste, épouvantée etc.)
- Référence au manifeste du futurisme de Marinetti en 1909 – le culte de la modernité comme source d’inspiration pour les artistes du mouvement qui glorifiaient le progrès technologique, les usines et les inventions modernes. « Nous créerons un monde nouveau par la force de l’imagination, nous verrons la réalité avec des yeux différents – image radieuse de notre époque ». Le radium, un Deus ex-machina ? - l’espoir
- Sortie de Pierre de la maison. « Fais attention ! » - la prémonition et l’angoisse
- Mort de Pierre renversé par un camion de chevaux. – le destin
- Pierre gisant sur une table – Marie essaye de dépasser sa peine en jouant la scientifique avec son éprouvette.
- L’apparition de la Sainte Marie –« Est ce que tu peux encore faire quelque chose ? « – la foi, le doute.
- Sa chaire à la Sorbonne
- Echec de Marie à l’entrée à l’Académie des sciences – c’est Édouard Branly qui remporte le siège. – la jalousie
- Marie et Paul Langevin – ses doutes - a-t-elle droit à cet amour ? - l’adultère
- Marie avec ses filles – délicate et sensible.
- Entrée de la danseuse Loie Fuller. La grande star à l’époque. Elle avait fait patenter son costume à base de radium et ses jeux de lumière. Elle occupe un rôle important dans la pièce. Une fois sur scène elle y reste, et termine allongée sur la même table sur laquelle avait reposé le corps de Pierre. Il faut rappeler qu’elle a connu un grand succès au début du 20ème siècle avec sa « Radium Dance ». Mais le radium est-il la cause de sa mort?..– le destin
- Publication de la correspondance amoureuse de Marie avec Paul par Gustave Téry. – la vengeance.
- Arrivée d’une lettre d’un membre du comité de l’académie royale suggérant de renoncer au prix Nobel à cause du scandale de sa liaison avec Paul Langevin, dévoilée par la presse.
– Condamnation par l’opinion publique (le choeur) qui la traite de femme étrangère, juive, bizarre, voleuse. La haine.
- Acceptation pour la seconde fois du prix Nobel et se rendre à la cérémonie de remise. Face à la jalousie des hommes. – le courage.
- Joie et préparation du discours pour le Nobel.
- Vidéo sur la scène de la grande guerre. – la violence
- Apparition de Mme Maloney, journaliste, rédactrice du magazine « The Delineator » – le destin
- Marie se laisse convaincre de partir. – le destin
- On fait les valises
- Départ pour l’Amérique.
- Lutte pour paternité du radium – elle veut un avocat toute suite ! L’Angoisse. – l’ambition
- Maladie de Marie - aux yeux bandés – l’espoir perdu ? - l’espoir et la mort
- Mort de tous ceux qui ont été en contact avec la radioactivité.
- Incrédulité de Marie Curie sur la nocivité du radium.
- Retour d’Einstein qui joue le rôle de Cassandre. « Il y aura des villes et des corps brûlés … il ne restera que des ombres de personnes sur les mur… » La pièce se termine sur une prédiction dont nous connaissons tous, bien sûr, la réalisation. Dommage.
Composée par Elzbieta Sikora, sur un livret de Agata Miklaszewska , cet opéra , un travail de deux ans , est peut-être une manifestation de sérialisme lyrique avec des touches néo-romantiques, fascinante par sa richesse, sa couleur et l’expressionnisme de l’orchestration. Le spectateur est entraîné tout le long par une partition qui suit l’action de très près. La musique parle pour elle-même, et comporte de très beaux airs pour les solistes. On aurait compris l’histoire sans mots. Saluons la bonne prestation de l’ensemble de l’Opéra Baltique de Gdańsk sous la baguette de Wojciech Michniewski. On ne peut pas faire mieux dans la Salle I de l’UNESCO que ce que Marek Weiss a réalisé comme mise en scène (j’ai adoré l’idée de l’installation du chœur des deux côtés de la scène).
Dans le rôle de Marie Curie, Anna Mikolajeczyk ne mérite que des éloges – nous avions trouvé une place au fond de la salle et n’avons pas manqué une seule note malgré les stagiaires de l’Unesco qui flirtaient devant nous. Elle était douce (une belle scène avec la danseuse) et dure et déterminée, ambitieuse et découragée, toujours à la hauteur. Et: elle est toujours sur scène.
Pour une œuvre composée hier j’aurais attendu une facture plus avant-gardiste. On perçoit bien cependant le passage de Elzbieta Sikora à l’IRCAM et chez Pierre Schaeffer entre autres, et ses recherches dans le domaine de la musique concrète. A-t-elle opté de faire, comme en son temps Stravinsky (ou mon compositeur préféré Hans Werner Henze), un retour partiel vers une musique néo-romantique ? Elle a composé une musique du commencement du 20ème siècle avec des références au dramatisme d’Alban Berg, même un moment donné à Wagner et à Strauss. (Mais une deuxième écoute de l’oeuvre – dont j’aurais besoin – pourrait modifier cette impression.)
J’ai très envie de connaître un peu plus de la musique de Elzbieta Sikora que nous avons pu applaudir, puisqu’elle était présente à la première mondiale ce 15 Novembre 2011.
Christa Blenk/Jean-Noel Pettit
Madame Curie-Kritik auf Deutsch